Le morceau de viande, toujours coincé entre les lèvres de Tesa, avait déjà bien diminué lorsqu’elle sortit enfin du parc, cherchant du regard dans toutes les directions à la recherche d’Elinn. A sa grande surprise, elle ne parvenait pas à l’apercevoir, bien que les rues soient loin d’être encombrées de monde. Était-elle restée plus longtemps dans ses pensées qu’elle ne le croyait ? Toujours est-il qu’elle n’avait aucun repère visuel pour se diriger, pour le moment. Ne se décourageant pas pour autant dans sa poursuite, elle prit le temps de finir son grignotage, avant d’humer l’air ambiant sans se soucier des quelques regards qui se portaient sur elle. Peu de temps après, elle repartit, sans se presser, suivant l’odeur qu’elle identifiait comme étant celle d’Elinn.

C’est sans un seul regard pour ceux qu’elle croisait que Tesa avançait, se faufilant habillement entre les passants sans changer son rythme, au moins jusqu'à ce que les odeurs présente ne l’inquiète un peu. Une odeur assez similaire a celle qu’elle suivait, et de plus en plus forte. Elle s’arrêta un instant pour observer plus attentivement où elle se trouvait, et compris bien vite ce qui la dérangeait. Un des accès au métro se situait peu loin d’où elle se tenait, ce qui, en un sens, la rassura sur la direction qu’elle avait pris… le chat de métro retournait à son panier. D’un autre coté, le risque de perdre la piste l’inquiétait un peu. L’odeur du métro est bien caractéristique, mais depuis le début, recouvrait grandement des nuances plus subtiles auxquelles elle n’avait pas fait tellement attention. C’est avec appréhension, et excitation, que la louve repris sa marche, un peu plus pressée, vers le métro…. Peur de perdre sa piste, et joie d’avoir une chasse un peu compliquée devant elle. En aucun cas elle regrettait d’avoir délaissé son doux foyer pour s’y lancer.

Finalement, lorsque le métro fut enfin en vue, la chasse fut relancée, à son plus grand bonheur. Seule silhouette à descendre alors que les rares autres en sortaient, un grand étui a l’épaule, la proie avait refait son apparition, juste le temps de révéler l’entrée de son terrier et de s’y réfugier. La queue frémissante, elle rejoignit rapidement l’entrée, se stoppant pour juste jeter un coup d’œil. Il s’agissait bel et bien d’Elinn, quelques marches plus bas. Elle dut cependant faire un pas en arrière, par précaution, alors le chat s’était arrêté a mis chemin dans les escaliers. Etait-elle repérée ? La partie de chasse allait arrivée a sa conclusion ainsi, si rapidement ? C’est la queue basse cette fois qu’elle jeta un rapide regard dans les escaliers … Personne. La chasse pouvait donc continuer, et c’est avec un grand sourire qu’elle descendit a son tour les marches, prenant son temps pour, cette fois, identifier clairement sa proie, la gravant dans sa mémoire pour ne plus la perdre, de plus en plus excitée, un petit sentiment de déjà vu, qu’elle s’expliquait assez naturellement, s’emparant brièvement de la louve alors qu’elle se lançait à nouveau à la poursuite de sa proie.

Ses souvenirs les plus lointains remontaient à son réveil dans l’une des salles vides de décoration du mur de Togenkyo, une parmi tant d’autres. Au delà, ce n’était qu’un vague brouillard qui ne l’attirait aucunement. Pour autant, il était plus où moins épais par endroit, et quelques brides de ce passé revenait la visiter de temps en temps, souvent flou. De ce qu’elle avait put entrevoir ainsi, elle ne regrettait absolument rien, le vague sentiment de nostalgie qui habitait ces souvenirs étant a chaque fois bien vite balayé par celui de liberté qu’elle ressentait.

C’est avec précaution que Tesa avançait dans les galeries du métro, toujours à quelques mètre d’Elinn, juste assez pour être totalement dissimulée par la pénombre des lieux , ajustant cette distance selon la lumière, prenant grand soin à ne pas faire de bruit, bien décidée à mener cette chasse à son bout sans se faire surprendre par un chat soit totalement perdu dans ses pensées, soit sur ses gardes face à une menace. Son sentiment était que ce n’était que de la simple prudence, pas question de ralentir la traque pour si peu. Elle avait pénétré dans le terrier, mais il fallait encore accéder à sa cache, et il fallait bien l’avouer, étant donné les tours et détours qu’ils faisaient, qu’il serait bien dur de s’y repérer sans un « guide ». Elle avait intérêt à ne pas la perdre.

En parlant de son guide, son rythme avait un peu ralenti, et sans vraiment qu’elle ne s’en apercevoir, et elle s’était rapprocher plus qu’elle ne le désirait, se figeant du coup dans son mouvement, ne la lâchant pas du regard. Un puits semblait remonter vers la surface juste à cet endroit, comme a de nombreuse reprise au travers des tunnels, offrant de faibles rayons de lumière au lieu, filtré par une lourde plaque de métal au niveau de la surface, et par un faible rideau de poussière. Dans cette lumière presque éblouissante par rapport à la pénombre environnante, si elle avait daignée se retourner, la proie aurait surement remarqué la silhouette qui la suivait de près, et les yeux rouges, étincelant dans cette lumière, qui la fixait, comme un prédateur près à se jeter sur elle. Pourtant, elle n’en fit rien, continuant à marcher à son rythme, pendant que Tesa la regardait s’éloigner, sa respiration lente en désaccord avec les battements de son cœur. Un passage parmi tant d’autres à travers ces tunnels, quelques secondes perdues dans les autres, juste plus longues. Une poussée d’adrénaline laissant place à un calme presque effrayant. Un frisson parcourut le corps de la louve, la sortant de sa transe d’un instant. Rien que pour ce simple plaisir, elle savait qu’elle n’avait pas perdue son temps en venant jusque là.

Pourtant, le jeu commençait un peu a duré. Un plaisir simple et subtil peu perdre toute saveur si l’on y goute de trop. Il était temps de finir la chasse, et de passer à autre chose… avec un peu de chance, elle pourrait festoyer avec sa proie, selon ce qu’elle avait à lui offrir.

De nouveau un long passage de pénombre, un long couloir de ténèbres seulement adoucis par une faible lumière derrière eux. Restant le plus silencieux qu’elle pouvait, elle entreprit de changer de coté, traversant rapidement les rails pour retrouver un petit quai de l’autre coté, accélérant cette fois son rythme pour rattraper, puis dépasser Elinn, avant de revenir sur le même coté, quelques mètres en avant. Un regard vers cette dernière lui indiqua qu’elle avait été vue, s’étant arrêté un instant dans sa marche, et le silence régnant confirma que son identité n’était pas encore révélée. S’adossant contre le mur, cachant sa queue et rabattant ses oreilles pour que sa silhouette ne la trahisse pas, elle attendit cette fois que sa proie vienne à elle, la fixant du regard en silence, jusqu'à ce qu’elle soit, a son avis, assez près pour deviner qui elle avait en face d’elle malgré l’obscurité, brisant alors le silence d’une petite voix.

- On est encore loin, ou on s’amuse juste a tourner en rond ?

Le silence des lieux, brièvement coupé par sa voix, repris très vite ses droits, ne laissant sa place qu’aux bruits fluctuant des rames de métro. Tesa garda son regard posé sur Elinn, guettant sa réaction, impatiente… puis profondément déçue en la voyant rebrousser chemin sans lui porter plus d’attention que cela, avant de finalement redresser les oreilles, interpellée par ce petit geste de main, très discret, avant de s’éloigner a petit pas. Sauf erreur de sa part, on venait de l’inviter à continuer un peu plus cette aventure souterraine, à son plus grand plaisir, repartant a la poursuite de cette ombre la devançant, un peu inquiète quand a la possibilité de finalement se faire repousser, inquiétude se dissipant agréablement quand le rythme se fit un peu plus acceptable et régulier, sans que le silence ne soit de nouveau dérangé.

La filature, qui n’en était plus vraiment une maintenant, se révéla cette fois être bien plus régulière, bien plus fluide. Le chat s’était il perdu, et avait finalement retrouvé son chemin ? Ou avait il tout simplement essayer de semé un hypothétique prédateur, ne voulant pas l’attirer jusqu'à son panier, et avait finalement abandonné cette idée ? Peut importe la raison, il était sur cette fois, au pas assuré du chat là où, entre l’obscurité grandissante et le terrain se dégradant rapidement, la louve avançait d’un pas bien plus prudent pour éviter de trébucher et finir sa course au sol, situation qui était absolument à éviter pour ne pas se couvrir de ridicule. C’est donc la tête basse qu’elle avançait, remerciant ses yeux pour parvenir à discerner assez précisément les obstacles malgré le manque de lumière qui semblait ne déranger qu’elle, se traduisant par une distance les séparant grandissante, certes lentement, mais inexorablement.

Relevant un instant les yeux, elle pu discerner l’ombre du chat de métro s’arrêter brusquement. L’idée qu’elle puisse se décider à l’attendre fut aussitôt balayer par deux arguments. Le premier étant que, malgré tout, elles n’étaient pas si éloignées l’une de l’autre. Le second, et plus pertinent, résidant dans le simple fait que cela ne correspondait tout simplement pas… absolument pas, à la personne en question. Un murmure brisant le silence confirma cette théorie.

Se mettre d’accord... mais a quel sujet ? La louve la rejoignit avant toute chose, se plaçant a ses cotés, légèrement derrière, laissant le silence retombé en cherchant ce qu’elle voulait dire par là. A nouveau, elle laissa assez rapidement ses pensées de cotés, prenant le temps de bien se concentrer. Elle y avait pas vraiment fait attention jusque la, plus préoccupée à ne pas tombé que par autre chose, mais une nouvelle odeur, faible mais bien présente, planait dans l’air, presque entièrement recouverte par l’odeur habituelle des lieux. Faible, et a la fois familière, sans qu’elle la reconnaisse pour autant, fouillant ardemment dans sa mémoire pour la retrouver, en oubliant autant l’endroit où elle était que le fait qu’elle n’était pas seule. Finalement, c’est simplement en tournant la tête qu’elle trouva sa réponse… une odeur subtilement différente de celle qui lui irritait le nez depuis son entrée dans le métro, et qu’elle avait déjà eu l’occasion de rencontrer peu avant de s’y engouffrer, juste a ses cotés, et correspondant à cette faible piste olfactive qui lui tendait les bras.

Cette fois ci, c’est elle qui prit les devants, sans un mot, continuant sur le chemin qu’elle avait entamé, incertaine de ce qui l’attendait exactement, mais sure d’y trouver au moins un panier plu ou moins accueillant.

Elle avança de quelques pas avant de s’arrêter de nouveau, immobile, laissant le silence planer un instant avant de glisser d’un ton sarcastique tout en s’étirant.

- On pourra se mettre d’accord une fois arrivée, j’en ai un peu marre d’être debout.

Attendant nullement une éventuelle réponse, elle repris le chemin, lentement, un petit sourire amusé sur les lèvres.

L’obscurité est souvent un obstacle, entravant des mouvements qui deviennent incertain dans un environnement confus. Elle est aussi bien agréable a diverses occasion, et pour le coup, Tesa appréciait de pouvoir avancer, tête légèrement baisser, se guidant exclusivement par son odorat, sans avoir à s’inquiéter du regard de son entourage. Très loin d’avoir honte de ses spécificités animales, le soin avec lequel elle entretenait sa queue en étant un exemple parmi tant d’autres, elle détestait cependant les regards curieux, parfois effrayé, mais jamais très discret, dont elle pouvait être la cible. Les ignorer était une chose, très loin d’égaler le doux plaisir de ne pas les ressentir.

Sa piste diminua un instant, le temps qu’elle recule d’un pas avant de prendre le temps d’observer la galerie, pour discerner une bifurcation, bien dissimulée dans la pénombre, et de s’y engager. Derrière elle, le bruit des pas du chat de métro semblait lui confirmer ce qu’elle avait senti. Si elle s’était engager sur une fausse piste, il est fort probable qu’elle l’aurait laissé se perdre dans les galeries sans le moindre remord. Après quelques mètres, une dernière confirmation, presque inutile, se fit voir, faible lumière au bout du tunnel. Elle accéléra un peu son allure du coup, pressée de pouvoir se poser un instant et constater l’étendus des dégâts que la poussière presque omniprésente des lieux avait bien put causer à sa queue.

Finalement, le panier du chat d’égout se fit enfin clair devant ses yeux. Un bien étrange, et peu commun, panier sous la forme d’un wagon abandonné dans un cul de sac qui lui inspira un petit murmure, glissé à elle-même.

- Aussi particulier que sa propriétaire.

Un petit temps d’arrêt, d’observation du lieu pour finalement trouver ce qui devait être l’entrée du panier, s’y dirigeant tranquillement… Un peu trop tranquillement, justement, se laissant surprendre par le chat a qui appartenait ce panier qui, visiblement contrarié qu’on pénètre sur son territoire, avait décidé de sortir les griffes, l’entrainant dans une position pour le moins inconfortable avant de lui susurrer quelques mots à l’oreille. Sa réponse se fit un peu attendre, analysant la situation tout en se réprimant l’envie de lui répondre tout simplement à l’aide de ses crocs.

- Ce n’est pas vraiment la plus confortable des positions, je la troquerais volontiers pour le doux confort d’une chaise… mais je ne crois pas que ce soit vraiment négociable dans l’instant…

Un ton légèrement railleur, tout en cherchant à libérer au moins ses mains pour se dégager de cette situation, continuant sa phrase avec un léger sourire, dévoilant parfaitement ses crocs.

- … Par contre, si tu pouvais au moins ranger tes griffes, on arriverait un peu plus facilement à se mettre accord.

Avec ça, elle cessa de se débattre tout en calant bien sa tête sur son épaule. Elle n’avait pas vraiment envie de finir cette journée sur une note si désagréable… Restait à espérer que le chaton serais du même avis.

pas très long, mais je préfere attendre de voir la réaction d'Elinn

Elle avait beau s’efforcer de garder son calme, le chat de métro ne semblait pas vraiment l’entendre de la même oreille, loin de là. Et voila qu’elle voulait carrément se lancer dans un interrogatoire. Inspirant profondément pour rester maitresse d’elle-même, elle porta plutôt son attention sur son environnement, malgré son angle de vue assez réduit, recherchant instinctivement les échappatoires éventuel. Et mis a part, d’un coté, la galerie d’où elles étaient arrivées et de l’autre, le wagon-panier, il y avait pas grand-chose, un simple cul de sac parmi tant d’autres, un peu plus éclairé que les autres, ni plus ni moins encombré. Mais avant toute chose, se dégager des griffes de ce chaton semblait une bonne idée, d’autant plus que celle-ci s’amusait à resserrer son emprise sur elle. Puis finalement, un frisson, hérissant un instant le moindre de ses poils, en réponse a un geste aussi inattendu que mal accueilli… L’idée de finir cette rencontre calmement, puis simplement rentrer se débarrasser de cette poussière se perdit lentement dans son esprit, pour laisser place à une réponse plus instinctive.

- Bonne question, mais je n’ai pas de réponse à fournir.

Un sarcasme clairement perceptible à son intonation. Il y avait bien une raison, et même deux, à donner comme réponse, mais elle était en aucun cas d’humeur à les lui offrir alors que c’était demandé si gentiment. Elle soupira un instant, avant de reprendre d’une voix calme, sans se presser.

- En attendant, je n’aime vraiment pas cette position, moi.

Sans plus attendre, elle ramena sa tête en avant pour venir planter ses crocs dans le bras la retenant, profitant qu’elle relâche quelque peu son étreinte sous la douleur pour dégager ses bras, la repoussant tout en s’éloignant d’un bond, se plaçant face a elle, recroquevillée et prête a attaquer, ce qu’elle fit sans tarder pour ne pas lui offrir le temps de réagir, l’entrainant au sol pour caler ses genoux sur ses bras, la maintenant bien, une main sur sa gorge.

- Je préfère de loin celle-ci.

Un ton toujours calme, recouvrant une rage intérieure qu’elle contenait difficilement pour ne pas céder à la tentation d’user de nouveau de ses crocs de façon plus agressive, cette fois, la fixant du regard avec un petit sourire inconscient, laissant sa langue courir un instant le long de ses lèvres tout en la regardant.
Finalement, elle avait trouvé une réponse a son goût, pour sa question d’il y a peu.

- En fat, j'avais juste envie de m’offrir un petit divertissement, et il y avait là une proie qui semblait pouvoir me divertir un petit peu…. J’avoue que je ne suis pas déçue.

Elle élargie un peu plus son sourire, cette fois bien volontairement, exhibant ses crocs.

- Mais maintenant, je me demande si tu peux encore me divertir un peu, ou s’il est tout simplement temps de mettre un terme à cette chasse.

Elle gardait un ton calme, autant sérieuse que détachée, s’amusant bien de la tournure des événements, tout en assurant sa prise sur sa proie, pas décidée à la laisser lui échapper si facilement.

Alors c’était tout ? Encore une fois, elle se retrouvait déçue dans ses attentes, espérant une réaction, et ne trouvant que son opposé. Elle avait eu l’occasion de s’amuser, malgré quelques moments moins agréables, mais elle n’avait vraiment pas envie d’en finir ainsi, surtout qu’elle savait ce qui l’attendant un peu plus haut, à la merci d’un ciel maussade. D’un coté, un peu d’eau ne lui ferait pas grand mal… mais de l’autre, quitte a choisir, elle la préférait bien chaude, et il y avait fort à parier que ce n’est pas ce qu’elle trouverait directement en sortant du métro. En attendant, elle était toujours là, à maintenir au sol une proie qui avait perdue toute volonté de se débattre, au point de lui communiquer petit à petit sa lassitude.

Elle laissa entendre un long soupire avant de relâcher la gorge d’Elinn, fermant les yeux tout en haussant les bras de dépit.

- Décidément, c’est soit tout noir, soit tout blanc, avec toi. D’autant plus amusant, mais totalement imprévisible.

Parlant de caractère imprévisible, le jeu était peut être pas complètement bloqué, et quelques pistes se montraient plutôt attirantes. Mais pour le moment, elle se contentait de croiser les bras dans une mine boudeuse d’un enfant à qui on vient de retirer un jouet très divertissant, tout en cherchant l’option possédant le plus de potentiel. Au milieu de tout ça, une autre pensée, oubliée dans les évènements précédents, revint s’imposer avec force, faisant traverser l’inquiétude, puis la frayeur, dans les yeux de la louve.

- Vraiment, qu’elle idée de vivre dans un endroit avec autant de poussière…

Le fait est que, aux yeux d’Elinn, ça pouvait être un problème de moindre importance, mais pour Tesa, le spectacle de sa queue dans un bien triste état, entre poussière et autres indésirables, était un des pires spectacles que l’on pouvait lui montrer. Et l’idée que, de toute façon, le retour chez elle passerait de nouveau par les galeries du métro, venait compléter ce tableau macabre. Elle ne retrouva le cours initial de ses pensées qu’après avoir administrer d’une main les soins d’urgence à l’une de ses plus grandes fiertés en détresse. Satisfaite, ou tout du moins, se satisfaisant du résultat, elle entreprit de s’étirer de tout son long, laissant sa queue revenir se balancer dans son dos, avant de venir poser un doigt sur le menton du chaton, un grand sourire sur les lèvres.

- Evites de ressortir tes griffes quand même.

Ceci dit, elle se releva tranquillement, s’étirant de nouveau, gardant malgré tout son attention sur la maitresse des lieux, avant de lancer sur un ton amusé, dissimulant à peine son sourire.

- Et après tout ce chemin, tu ne me proposes même pas de visiter ?

Provocation gratuite envers celle qui semblait vouloir défendre a tout prix son panier, mais elle avait admis sa défaite en se résignant, et la louve ne voulait pas laisser passer son statut de dominante sans rien réclamer, insistant sur sa demande en faisant quelques pas pour remonter sur le quai, avant de se retourner vers Elinn, s’adossant au mur, lui faisant bien comprendre du regard qu’elle ne partirais pas d’ici… en tout cas, pas si facilement.

Une réponse presque instantanée, dénuée de tous sentiments si ce n’était pour une petite pointe de lassitude, qui vint se perdre jusqu’aux oreilles de Tesa, quelque peu déçue, bien qu’elle s’y attendait, restant cependant impassible, gardant les yeux posés sur Elinn sans vraiment la voir. Au fond, elle ne demandait pas grand-chose… juste d’avoir de quoi s’occuper tranquillement tout en restant à l’abri d’un ciel gris qu’elle n’avait aucune envie de retrouver, ne nourrissant le maigre espoir de parvenir à tirer de cette situation ne serais ce que quelques minutes de divertissement que pour le voir se fané d’un simple mot qui, malgré sa simplicité, exprimait beaucoup. Il fallait avouer que la lassitude et l’agacement de son ex-proie était compréhensible, même au-delà du caractère pour le moins particulier qu’elle avait pu exposer. Elle redressa soudainement les oreilles, surprise d’entendre une voix près d’elle, revenant avec quelques difficultés à la réalité, tournant lentement son regard jusqu'à retrouver Elinn dans son champ de vision, cherchant à dissimuler ce moment d’absence, qui semblait avoir passé inaperçu, lui extirpant un discret soupir de soulagement. Maintenant, l’effort était de décrypter les sons qui lui étaient parvenus en une phrase compréhensible. Un rapide effort lui fit reprendre un peu d’espoir, pour le voir mourir presque aussitôt.

De l’imagination ? Elle en avait à revendre, mais pour l’instant, cette charmante et capricieuse demoiselle était plus occupée à visualiser diverses et plus ou moins agréable façon de « s’amuser » avec Elinn, toute à ses dépens, plutôt que suivre sa sommaire et ironique description de son logement, poussant l’ironie jusqu’à se retrouver devant une porte fermée, et sans les clés.

- Ce n’est pas grave, je viendrais visiter une autre fois.

Elle se décida finalement à bouger, s’étirant en faisant brièvement craquer ses articulations avant de redescendre en un saut du quai, pour ensuite se retourner vers Elinn, un petit sourire, arrivée au cours de la « visite » imaginaire, fermement installé sur ses lèvres. Toute chose à une fin, et il était temps de mettre un terme à cette plus ou moins agréable rencontre, mais sans briser le ton.

- Et pas la peine de proposer de me raccompagner, je retrouverais le chemin sans trop de problèmes, ni trop de détours.

Et sur ce point là, elle était plus que confiante, prenant juste son temps pour une dernière fois, bien imprimé l’odeur des lieux dans son esprit. Elle savait qu’elle ne serait probablement pas la bienvenue ici, mais qui sait, ça pourrait être divertissant de venir lui rendre une petite visite imprévue. S’avançant finalement dans la galerie, surement au grand bonheur de la résidente des lieux, elle lui fit un grand signe de la main avant de pénétrer dans la pénombre devant elle.

- La prochaine fois, on pourra aller se perdre vers mon appartement, si tu veux.

Sans même se retourner, elle entama le chemin de retour, sans trop se précipité, d’une part pour laisser ses yeux se réhabituer a l’obscurité, et de l’autre, elle n’était pas si pressée que ça de ressortir du métro. Enfin, plutôt partagée sur ce point, entre l’envie de pouvoir enfin se débarrasser de toute cette poussière sous une bonne douche bien chaude et l’idée déplaisante qu’avant ça, une autre douche, plus froide et moins agréable, l’attendait.