Comme chat et loup...

Ténèbres qui nous égarent
pour l'éternité d'une nuit...

Le soleil se levait à peine lorsqu'Elinn émergea d'un des escaliers qui reliait la ville à son sous-sol, la démarche titubante. Tant éblouie par la lumière laiteuse des premiers rayons de soleil qu'écrasée par des heures de vagabondage à l'aveuglette, elle s'arrêta un instant sur la dernière marche, la main en visière et les yeux plissés. Une étrange force rendait le vide dans son dos presque palpable, et l'aspirait vers le bas. Vers la chute. Elle dut faire un autre pas en avant, douloureux pas, pour ne pas y céder. Là, elle put enfin réfléchir. Où...? Elle avait l'impression de s'éveiller d'un long rêve, ou d'avoir interrompu quelque crise de somnambulisme, de se sentir si pâteuse et dissipée. Pourtant son dernier souvenir datait de la sortie du bar après le concert, sans doute la veille, rentrant justement chez elle. Se connaissant, il n'y avait aucune chance pour qu'elle s'endorme en route comme elle semblait l'avoir fait.

Alors qu'elle faisait tourner ses méninges au rythme maximum qu'ils étaient en état de supporter, c'est à dire pas bien longtemps, la jeune femme sentit les vertiges la prendre à nouveau. Oh qu'elle avait l'habitude de ces moments où elle était si éreintée qu'elle doutait même de pouvoir esquisser le moindre geste, mais qu'elle ne se reposait pas de peur de ne plus pouvoir dormir seulement quelques heures après avoir commencé. Alors elle faisait ce qu'elle s'apprêtait à faire: courir. Sous les yeux des passants qui se rendaient au travail, elle, maquillage coulant et vêtements froissés, guitare dans le dos -elle sentait la courroie de sa housse frotter sur son épaule-, l'être le plus fatigué du monde ne trouvait d'autre parade à son état que de se s'épuiser encore plus.

Parc. Là, au moins, elle ne se trompait pas. D'après ce qu'elle connaissait de Togenkyo, c'est-à-dire pas mal de choses entre flâneries et égarements, elle ne pouvait donc être que près du campus, ou hors du centre-ville. Mais cette question d'orientation lui semblait si loin, maintenant... Maintenant qu'un banc lui faisait face, particulièrement tentant, avec le chaud rayon de soleil qui caressait son bois à la peinture écaillée.
Aucune hésitation à avoir: ça serait lui.

On aurait pas cru Elinn capable de dormir dehors? Pourtant, c'était peut-être là qu'elle dormait le mieux. "Ne pas pouvoir dormir longtemps" ne rime pas avec "ne pas pouvoir dormir n'importe où", la demoiselle en était un parfait exemple. Pour accueillir en son sein son précieux sommeil, un lieu devait remplir une unique condition: elle devait pouvoir s'y lover aussi sûrement que dans un panier au coin du feu.
Ah mais là, l'image de la lunatique lionne partait en éclats pour laisser apparaître, de façon totalement inattendue, un vieux chat de salon rompu à l'art de la sieste. Eh bien soit, elle s'en fichait; pour quelques heures elle serait cet animal gras et douillet. Pour un instant elle en oublierait même où se trouvait son vrai lit, pour la simple raison qu'ici un tout aussi confortable et chaleureux s'offrait à elle.

Il n'était donc plus l'heure de retrouver la mémoire perdue. Juste de perdre celle qui restait, de poser son fardeau à ses côtés et de se rouler en boule. Et puis de glisser dans les bras de son pire ennemi...

[HRP]Un peu court, je trouve~ Mais c'est un début ♥

Un grand soleil, un ciel dégagé…. Une belle journée qui commençait timidement son cours sur Togenkyo, une de celle où la plus belle des occupations était surement de ne rien faire et de flâner librement. C’est probablement ce que les passants pensaient que Tesa faisait, seule dans le parc, équipée de son MP3.
Pour autant, il n’en était rien…. Enfin, pas complètement. S’il est vrai qu’elle n’y montre pas forcement beaucoup d’entrain, elle s’occupe néanmoins de l’entretien du parc. Une occupation qui lui tien assez à cœur, préservant cet oasis de verdure de la jungle de béton environnante. Passer ses journées dans le parc, occupant son temps entre une lecture oisive à l’abri d’un arbre et son travail, voilà le quotidien habituel de la jeune louve. Aujourd’hui n’était en rien différent.

Une grande partie de la matinée fut consacrée à ses va et viens à travers le parc, tout en se cherchant du coin de l’œil un endroit confortable pour une petite pause. Depuis le temps, elle commençait à vraiment bien connaître son lieu de travail, se dirigeant naturellement dans son recoin favori. Ici, un petit point d’eau venait briser le vert des lieux de ses teintes bleutées, ouvrant la zone sur le ciel et le soleil, la baignant d’une douce lumière. S’installant confortablement dans les branches d’un arbre, dans un rayon de soleil, la louve ne demandait plus qu’à savourer le calme du parc, se faisant oublier, si ce n’est les couleurs claires de sa tunique qui révélait sa présence.

Ce n’est qu’un peu plus tard qu’elle remarquât, un peu en retrait, ce qui lui semblait être, d’où elle se trouvait, l’étui d’un instrument. Elle pensa d’abord à l’ignorer pour profiter encore un peu de ce moment de farniente, avant de finalement descendre de son perchoir. Elle pourrait toujours y retourner après avoir vérifié ce que c’était, son arbre serais, normalement, toujours au même endroit. S’en approchant, elle put voir qu’il s’agissait bien d’un étui, mais que ce n’était pas, comme elle y avait pensé, un objet abandonné là, la propriétaire étant littéralement louvée sur un banc à coté, au soleil.

- Il y a de meilleurs endroits pour ranger un instrument.

Soupirant doucement en se disant ça, elle pris la house pour la caller contre le banc, ce qui serait toujours mieux que directement posé sur le sol. S’adossant à un arbre juste à coté, Tesa laissa son regard vagabonder un moment, laissant sa queue se balancer lentement de gauche a droite, se demandant si elle devait la laisser dormir ici ou réveiller ce qui aurait pu être un chat errant, installée de la sorte. Cette pensée fit immédiatement connexion avec ses souvenirs, l’agaçant aussitôt.

- Même ici, il trouve moyen de m’énerver, ce fichu chapelier.

Elle fut ramenée à la réalité par un petit grognement. A priori, la question de la réveiller ou non n’était plus vraiment d’actualité.

- Bien dormi au moins ?

[HRP] la qualité avant la quantité. ne formalisons pas trop sur la longueur.

Est-il possible...
De trouver dans l'ombre de cet arbre...?

Douce brume.
De quoi rêve-t-on lorsqu'on ne dort qu'une infime partie de son temps? Forcément, à moins de devenir vraiment fou, on doit rêver plus que n'importe qui en une seule fois; l'inconscient met à profit la moindre minute qu'on lui accorde pour s'exprimer.
Pourtant, Elinn, elle, ne rêve de rien.
Ou du moins elle n'a l'impression de rien. Ses nuits accueilleraient les songes les plus denses, elle ne s'en réveillerait pas plus mal... Ni plus amnésique. Ses sommeils n'avaient jamais été que longs trous noirs d'où elle émergeait parfois avec un goût bizarre sur la langue, parfois de mauvaises surprises dans le lit, mais son humeur immanquablement pâteuse du matin l'aidait à ne pas se montrer trop attentive pour en tenir rigueur.
Une fois, elle s'était posé la question du contenu de ses visions nocturnes; l'idée que pendant qu'elle dormait ses souvenirs perdus lui étaient restitués l'avait traversée; elle n'y avait plus repensé.
Les siestes -c'est peut-être ce qui correspond mieux pour parler de ces courtes périodes de repos- de l'Ombre n'étaient que laborieux crépuscules, nuits noires, matins brumeux.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux donc, la matinée était déjà bien avancée, et n'avait rien de brumeuse. Pourtant, un épais voile bouchait la vue de la jeune fille, déclinant les couleurs du paysage -ici, le ciel cerné de feuillages, puisqu'elle n'avait pas encore manifesté le besoin de se lever- sur une sombre palette de teintes pastelles, diluées. Elle avait l'impression que des gouttes d'aquarelle tomberaient des feuilles au-dessus d'elle pour venir compléter le tableau de son visage barbouillé d'un maquillage de fatigue. Un air froissé, éreinté, cependant calqué sur la mine de quelqu'un qui n'avait plus le moins du monde besoin de dormir. Qui avait juste un peu de mal à comprendre qu'elle ne parviendrait pas à prolonger la grasse matinée.

Ce qui lui fit comprendre que Morphée l'avait littéralement laissée retomber parmi les vivants, ce fut cette voix qu'elle entendit, sans pouvoir ni la situer ni l'identifier -alors qu'elle faisait en général attention aux sons qu'elle captait-. Le chat lové sur son banc referma les yeux pour mieux se concentrer.
Le ton était celui de quelqu'un d'agacé, même un sourd l'aurait deviné. On râlait donc dans son dos. D'elle? Ca voulait dire qu'on l'observait? Zut, elle allait devoir quitter sa chaude et confortable place. Pour le moment elle n'en fit rien, et se contenta d'approfondir son analyse. Elle n'avait pas saisi tous les mots, ni tous leurs sens, mais quelque chose la titillait parmi eux. Il y était question de chapelier. Et de "fichu", qui devait donner au tout le ton d'une insulte, sûrement. Seulement à ce stade-là, Elinn s'en fichait. La phrase mystérieuse n'avait plus grand intérêt pour elle maintenant qu'elle l'avait décryptée. Quoique...

Renonçant à trouver la conclusion de ses réflexions sur des paroles volées à la bouche d'un inconnu, l'endormie tâcha de se réveiller de façon un peu plus sérieuse. C'est à dire en poussant son petit grognement du matin -c'est comme les bébés avec leur rot, c'est un passage obligé-, et en entreprenant de tendre et de détendre un à un tous ses muscles -qui s'ankylosaient assez rapidement sans qu'on ait jamais voulu lui dire quelle était encore cette anomalie. Jusque-là, tout se passait comme d'habitude. Sauf qu'aujourd'hui, on l'attendait au réveil.

-Bien dormi au moins?

Hein? Non... Elinn était sûre de ne pas s'être endormie dans un lit. D'ailleurs, c'était le bois réchauffé de soleil du banc qu'elle sentait sous elle, non pas le moelleux d'un matelas réchauffé par le corps de quelque étranger. Et elle doutait avoir été capable de ramener un invité à dormir dans un parc. Donc... Celui qui l'épiait? Celle, en tenant compte du timbre de voix? Assez de suspens comme ça, la jeune femme se retourna: adossée un arbre qui prenait racine juste derrière le banc, une fille, peut-être plus âgée qu'elle, l'observait en agitant sa queue à intervalles réguliers. Sa...? Le chat sans panier n'osa même pas se frotter les yeux, fronçant juste les sourcils devant ce qu'il voyait. Mis à part une silhouette définitivement humaine, on avait greffé à cette étrange personne les oreilles et la queue de quelque animal se rapprochant du loup ou du renard. Puis, finalement, elle se rappelait qu'en tant qu'Ombre, elle avait déjà eu l'occasion de croiser des cas similaires, et reconsidéra son interlocutrice d'un regard moins insistant. Interlocutrice, oui, car si elle se souvenait bien, on lui avait posé une question...

-Ma foi, oui. J'aurai préféré ne pas me perdre bêtement par manque d'attention, mais finalement ce n'est pas si grave...

Un ton indifférent, peut-être un peu mou aussi, on comprend bien pourquoi. Et tandis qu'elle répondait, le plus naturellement du monde, elle se rappela quand même que celle qui lui faisait face était suspectée du crime de l'avoir tirée de son sommeil. Non, en fait, Elinn savait pertinemment qu'elle ne dormait jamais très longtemps, même lorsqu'elle était fatiguée au moins de jouer les sans abri, mais puisqu'il y avait là quelqu'un, pourquoi accuser sa propre pathologie? Et puis, entre ce "chapelier" et l'idée qu'elle avait probablement affaire à une Mistes, ce qui lui rappelait bien sûr le boulot un peu trop tôt pour qu'elle le prenne bien, il lui fallait bien un prétexte et une cible pour se défouler, puisque c'était l'envie dominante qui découlait d'une humeur lasse, irritée et susceptible; une humeur de réveil quoi.

-Par contre... Y avait-il une quelconque raison de me tirer d'un si doux sommeil, mademoiselle la renarde?

Chercher des ennuis à quelqu'un dès les premières minutes de conscience, qu'est-ce que cela pouvait être plaisant!

[HRP] Oui, je fais exprès de ne pas dire "louve" ♥ Faut pas être là au réveil d'Elinn (a)

Toujours adossées a son arbre, Tesa observait, un peu curieuse, la jeune endormie réveiller un a un tout les muscles de son corps. Pas vraiment étonnant, au final, qu’elle se sente plus qu’engourdit au vu de la douceur de son matelas de fortune. Finalement, le chat errant entreprit l’effort, visiblement surhumain, de se retourner pour lui faire face et de relever sa tête pour l’observer…. Observation qui dura quelques longues secondes avant que son regard se fasse bien moins insistant, surprenant quelque peu la louve. Elle s’était habituée à être observer, presque dévisagé, par les passant, mais rarement elle avais vu ces regards tourner a l’indifférence juste après.

-Ma foi, oui. J'aurai préféré ne pas me perdre bêtement par manque d'attention, mais finalement ce n'est pas si grave...

Le ton indifférent sur lequel cette phrase fut prononcée, égal en quelques points à l’intensité du regard sur elle, n’aida pas vraiment a faire disparaître une petite moue de surprise de son visage, observant ce bien étrange chat qui était venus se perdre dans le parc. Elle commençait à regretter d’avoir quitter la douceur de son perchoir pour venir s’intéresser à ce qui se trouvait ici.

-Par contre... Y avait-il une quelconque raison de me tirer d'un si doux sommeil, mademoiselle la renarde?

Ses pensées furent interrompues par cette nouvelle phrase, seulement pour amener un regret encore plus grand. Qu’est ce qu’elle était venu se perdre ici, alors qu’elle aurait pu rester tranquillement à flâner au soleil ? Finalement, toute ses pensées furent balayés de son esprit lorsque les trois derniers mots qu’elle avait prononcé furent traité par son cerveau étourdit. S’il y avait bien quelque chose qu’elle ne supportait pas, c’était qu’on se trompe sur ses caractères animaliers… elle faisait preuve d’une vraie fierté à ce sujet.

- Déjà, ce n’est pas mademoiselle la renarde, mademoiselle le chat errant. Louve sera plus juste.

On notait facilement son agacement dans sa voix. Depuis son arrivée a Togenkyo…. Dès son éveil, d’ailleurs, elle ne comptait le nombre de fois où elle s’était énervée à cause de ça et des questions qui pouvaient tourner autour de son apparence étrange, comme ils disaient. De son point de vue, c’est eux qui étaient bizarre. Elle ne les fixait pas du regard pour autant. C’est pour ça qu’elle n’aimait pas trop montrer sa queue en temps normal, ses oreilles attirait déjà bien assez l’attentiona elles seules. Tout les mistes avaient droits a ce traitement, ou c'est elle qui s'irritais facilement ? probablement la seconde solution, a bien y penser.

- Quand à vous avoir tiré d’un doux sommeil, je me permettrais d’émettre quelques doutes sur la notion de douceur, le bois a plutôt tendance d’être assez dur. Pour la raison, je ne crois pas avoir à en apporter une, si ce n’est le travail.

Tesa pris le temps de souffler tranquillement quelques instants, les yeux fermés, histoire de reprendre son calme avant de continuer. Inutile de s’énerver à cause de cela, ça ne lui apporterait rien. S’efforçant de redessiner un léger sourire sur son visage, laissant sa queue retourner à un lent mouvement de balancier, elle continua d’un ton un peu plus neutre.

- Par contre, y a-t-il une raison d’avoir choisit ce banc comme matelas ? Je ne crois pas avoir vu d’autres chats errant venir jusqu’ici pour dormir jusqu'à présent, ils ont tendance à choisir des lieux un peu plus couvert. Si l’un d’eux décide de venir habiter par ici, je préférerais être au courant.

Différence est mère de querelle...

Une louve, hein? Quelle différence?
Pour Elinn, l'important n'était pas la bestiole, mais le fait qu'elle ne soit pas tout à fait humaine. Encore que... Elle avait des doutes sur le véritable intérêt d'une telle particularité au moment présent. Là, ce qui la triturait, c'était plutôt qu'on lui confirmait -alors qu'elle le disait en sachant que ce n'était pas tout à fait vrai- qu'on l'avait effectivement réveillée. Et pour une raison... Le "travail"! La demoiselle devait alors être une employée du parc, il n'y a bien qu'eux pour être gênés par qui dort sur les bancs publiques, ou presque. En tout cas, il n'y avait qu'eux pour songer à leur faire débarrasser le plancher. Dire qu'elle dormait si bien...
Autre contrariété, autre raison de persister dans la voie de l'irritation: on remettait en cause le confort de son lit improvisé. D'accord, il ne payait pas de mine, mais juge-t-on sur les apparences? La petite Mistes devrait pourtant le savoir mieux que quiconque. A ça elle répondit sans attendre.

-Mais ce lit a tout pour plaire en fait, malgré son apparence. Contrairement une certaine personne qui ne semblait pas si désagréable au premier abord.

Provocation. C'était là tout ce qu'elle savait faire pour se venger d'un affront, quel qu'il soit. A voir ensuite pour les représailles. En tout cas ce jeu la divertissait bien, puisque, maintenant appuyée sur le dossier du banc, parfaitement réveillée, elle fixait son "adversaire", retenant à grand peine un sourire en coin. Et tandis qu'on pourrait penser qu'elle analysait la réaction de son interlocutrice, il n'en était rien: elle cherchait de nouvelles prises pour se préparer à lancer d'autres piques. Finalement, elle ne faisait pas grand chose de ce qu'elle voyait. Elle se repassait plusieurs fois les répliques de la "louve", en quête de quoi que ce soit qu'elle pourrait utiliser. Ses répliques... Et ses attitudes.

Oui, car comme tout "chat" qui se respecte, Elinn savait faire de ses yeux de véritables lances, acérée et pénétrantes, clefs du cadenas de l'âme à explorer. Et son regard lui disait que depuis qu'elle avait montré qu'effectivement, elle avait remarqué la différence de la jeune femme, celle-ci était passée du malaise à l'agacement. Malaise de constater que la perplexité de l'inconnue n'avait pas duré, comme si, finalement, elle était tout à fait normale. Agacement de se voir confondue avec un autre animal, sournois animal, comme se verrait bien l'être le félin affalé sur son banc.

D'ailleurs. Leurs instincts sauvages respectifs allaient de pair avec les circonstances: chat et chien ensemble n'iraient pas naturellement tranquillement faire connaissance au bord d'un comptoir. En tant que représentantes de chacune des deux espèces réputées pour éprouver le plus d'antipathie pour l'autre, leur rencontre ne pouvait aller que dans une seule direction.
Seulement, Elinn se permit un petit clin d'oeil avant de pleinement entrer dans son rôle de félin.

-Sinon, moi aussi j'aurais quelque chose à redire sur mon surnom. Pour ce qui est des chats, j'en connais bien un, et rien que ça ne me donnerait pas envie d'être de son espèce...

Hop! Vengé le "chapelier" de tout à l'heure. A présent, retour à des préoccupations plus animales; Elinn abandonna son ton moqueur pour un plus acide, plus piquant.

-...Mais si tu insistes, soit, je suis un chat errant. Mais plus qu'un chat de gouttière, je suis un chat d'égout, puisque mon panier se trouve plus bas que terre. Alors non, je ne cherche pas à m'installer ici, juste à prendre un peu de bon temps. C'est à ça que sert le parc, non?

Ah, oui... Elle avait aussi aussi ironisé sur ce sujet-là. D'ordinaire, le chat d'égout ne se révélait pas aussi facilement, surtout lorsqu'il s'agissait de dire où elle habitait, farouche défenseur se son territoire. Mais là, c'était juste pour le plaisir de répondre, et puis, quel risque y avait-il que l'autre ne vienne la trouver chez elle? Elle ne ferait que se perdre bêtement dans les tortueux tunnels du métro, et n'en sortirait pas de sitôt. Enfin, avant ça, il faudrait qu'elles se quittent. Et Elinn s'amusait bien trop, à présent, pour même songer à partir. Oui, en fin de compte, elle l'aimait bien, cette louve... Tant qu'elle pouvait conserver ce ton de conversation avec elle...

-Mais ce lit a tout pour plaire en fait, malgré son apparence. Contrairement à une certaine personne qui ne semblait pas si désagréable au premier abord.

Si il y avais encore quelques doutes sur le ton de son interlocutrice, ils s'envolèrent bien rapidement, celle-ci s'étant visiblement installée à son aise et fixait la louve du regard tel un félin face a sa proie, guettant ses mouvement pour mieux attaquer. Finalement, la meilleure chose a faire pour le moment serais surement de rester plus ou moins passive, éviter de donner a son adversaire du moment de quoi assouvir sa soif de provocation. Ne pas aboyer inutilement à la moindre remarquer et attendre pour frapper efficacement... Finalement, elle n'avais qu'a attendre le bon moment pour sauter sur sa proie, l'observant calmement.

-Sinon, moi aussi j'aurais quelque chose à redire sur mon surnom. Pour ce qui est des chats, j'en connais bien un, et rien que ça ne me donnerait pas envie d'être de son espèce...

Remuant les oreilles à cette phrase, Tesa se fit bien vite une idée de qui pouvait être ce « chat » dont elle parlait, et le fait qu'elle puisse aussi être une ombre germa rapidement dans son esprit. Si presque tout les habitants de Togenkyo avaient du le voir au moins une fois, rare étaient ceux qui avais la chance.... ou le malheur, de côtoyer le Mist plus ou moins fréquemment. En même temps, sauf si elle y était appelée, la louve évitait volontiers de se rendre dans l'enceinte du mur, lieu le plus probable pour rencontrer une des ombres, et elle ne devait pas être la seule ombre dans ce cas. Rien d'étonnant à ce que les ombres ne se connaissent pas ou presque pas.

-...Mais si tu insistes, soit, je suis un chat errant. Mais plus qu'un chat de gouttière, je suis un chat d'égout, puisque mon panier se trouve plus bas que terre. Alors non, je ne cherche pas à m'installer ici, juste à prendre un peu de bon temps. C'est à ça que sert le parc, non?

Un chat d'égout ? Un panier plus bas que terre ? Le ton sur lequel ça avait été dit laissait supposer l'envie que la conversation continu comme elle avais commencé, surtout la dernière phrase, ce a quoi la louve répondit en amenant sa queue devant elle, la calant d'une main et commençant à la toiletter tranquillement de l'autre, montrant plus d'intérêt pour celle ci que pour son interlocutrice, ne lui jetant plus que de brefs regards tout en étant attentive au moindre bruit pour repérer au mieux ses réactions.
-se détendre en profitant d'un peu de calme, c'est surtout a ça que sert le parc. Après, loin de moi l'idée de vous empêcher d'en profiter d'une façon ou d'une autre, tant que ça ne gène personne.

Elle prit le temps de repenser aux déclarations de son interlocutrice. A bien l'observer, on avait du mal a l'imaginer vivre dans les égouts... ce que confirmait le nez de la louve. Le plus probable après ça devait être le métro... bah, au final, ça avait pas tellement d'intérêt pour le moment.

-Sinon, mademoiselle le chat de métro, y a t'il un nom auquel vous répondez ? Pour ma part, Tesa sera un peu plus pratique que « la louve ».

Continuant inlassablement à toiletter sa queue, elle lui parlait sur un ton on ne peu plus posé, en attende que son interlocutrice se dévoile un peu plus, ou se retire simplement de la conversation, faute d'y trouver assez de répondant a son goût... ce qui ne manquerait pas de décevoir la louve. Ces derniers temps, il y avais si peu de distraction sur son lieu de travail, ce serais dommage de perdre celle ci si rapidement.... Finalement, autant essayer de s'avancer un peu. Si elle l'avais trainer jusqu'ici avec elle, il devait avoir une quelconque importance. Elle brisa de nouveau le silence, sans y montrer le moindre intérêt tant dans sa voix que dans son attidute qu'elle gardait inchangé.

-Par contre, même si c'est pour vous détendre, je ne suis pas sure que votre instrument apprécie forcement le voyage.

Parle-lui de son passé,
Elle vibrera, désintéressée,
Voulant juste prolonger cette résonance.

-...Elinn.

Deux syllabes, prononcées sans grande convictions. Détachées de la conversation, on aurait pas compris qu'il s'agissait là de son nom. Ignorant totalement le fait que, finalement, la louve ait déduit toute seule qu'elle vivait dans le métro, ainsi que sa propre présentation, elle se contenta de lui rendre la politesse. Néanmoins, elle n'attendait pas qu'on l'appelle par son prénom, puisqu'elle-même était à peu près sûre d'oublier celui qu'elle venait d'apprendre.

Quelque chose venait de changer. Apparemment, cette Tesa ne voulait plus approfondir le registre de la provocation avec elle. Ou alors, plutôt même, elle s'en montrait désintéressée, distraite par un rien, comme le toilettage de sa queue. Et sa voix posée n'aiderait pas Elinn à persévérer sur le ton du cynisme et d'une certaine agressivité. Dommage, elle avait pourtant l'intention d'aller plus loin.
Cette fois complètement retournée sur le banc, assise en tailleurs, bras croisés sur le dossier et tête calée par-dessus, elle fixait toujours la jeune femme. Air insolent et sourire amusé. Oui, elle s'amusait. Comme un chaton. Même le silence qui interrompit un instant leur échange lui était plaisant, peut-être même plus que leurs paroles. L'autre aussi semblait assez satisfaite de la rencontre, malgré tout. Seulement, elle, brisa ce beau vide sonore qui était en train de s'intaller.
Les loups sont sans doute moins friands des conversations visuelles que les chats.

-Par contre, même si c'est pour vous détendre, je ne suis pas sûre que votre instrument apprécie fortement le voyage.

Son instru... C'est vrai ça tiens, elle l'avait carrément oublié, lui. Cette guitare à la housse tâchée d'une trace de sang, quasiment invisible quand on ne savait pas qu'elle y était. Elle l'avait toujours avec elle, du moins lorsqu'elle sortait la nuit, même quand elle était à peu près sûre de ne pas l'utiliser -ses performances scéniques habituelles n'étant pas compatibles avec la douce nature acoustique de la belle. Non pas qu'elle y tenait vraiment: juste un outil de travail et de détente comme un autre. C'était une habitude, depuis toujours. Et elle n'avait jamais spécialement cherché à comprendre, puisque selon elle cela remontait à plus loin que ses souvenirs. Tant qu'elle sentait son poids sur son épaule et que ses doigts savaient toujours courir sur ses cordes, elle s'en moquait.

Donc, l'instrument. Elle savait qu'elle l'avait -et puis, pourquoi sa compagne aurait-elle posé une telle question en son absence?-; elle se revoyait sortir de la bouche de métro avec elle. Elle l'avait posée juste à côté d'elle, devant le banc.
Peur qu'on la vole? Pas tellement; elle aurait juste été contrariée de devoir s'en trouver une autre.
D'ailleurs, c'est exactement ce sentiment, la contrariété, muée d'une certaine rage, qui la saisit lorsqu'elle se retourna tranquillement pour trouver... Le sol au pied du banc.

-...

Elle resta bête un moment. Puis, une certitude s'empara d'elle: la louve. Oh, elle ne l'accusait de rien, juste... De l'avoir déplacée. Voulant reprendre sa place initiale, son regard tomba sur l'objet disparu, calé à côté d'elle. Geste purement inutile de son point de vue. M'enfin, passons. Ou plutôt, restons-là. Elle attrapa la guitare par le manche à travers l'épais tissu qui la protégeait, et la ramena devant elle, la considérant avec indifférence, l'air de dire "tiens, t'es là toi. Je le savais."

Le tout s'était déroulé en quelques secondes, sans aucun geste de brusquerie, aucune panique, et sans que son expression habituelle ne la quitte.

-Oh, je pense qu'elle en a vu d'autres.

Oui, c'était sûr, rien qu'à voir l'état de son étui, et les différentes marques, de maltraitement ou autre, qui le clairsemaient. Mais, comme sa propriétaire, la guitare au passé mouvementé continuait de jouer de la même manière qu'elle avait toujours joué, ou cru jouer. Le passé, on s'en fiche. Du moment que les cordes vibrent encore.

Par contre, on ne se fichait pas du passé, beaucoup plus proche, dans lequel elle avait été déplacée alors qu'elle dormait si bien, à côté de sa complice humaine.

-Mais je ne vois vraiment pas pourquoi tu as pris la peine de la déplacer... Tout ce qu'elle risquait c'était de partir entre les mains d'un voleur de très mauvais goût...

Se décevant de ne pas parvenir malgré ses recherches acharnées à travers l'échange, Elinn gardait cette attitude décontractée qui avait été la sienne depuis le début. Elle espérait au moins pouvoir retomber sur des notes plus attrayantes, comme celles qui lui avaient été permises aux premières répliques. Sans quoi, elle n'aurait qu'à s'en aller, se rendre un peu plus présentable et chercher quoi faire de sa journée.
Brr... Rien que d'y penser, elle se sentait de nouveau exténuée. Il fallait qu'elle trouve une raison valable et un prétexte intéressant de rester.

Un petit mouvement de surprise en parlant de cet instrument ? En tout cas, cette « Elinn » semblait au moins chercher ou il se trouvait, mais sans se presser, ni rien, le silence qu’y s’installait ne se coupant qu’aux brefs bruits du parc… quelques personnes dans les environs, certains seul profitant juste du calme du lieu, d’autres discutant allégrement avec ceux les accompagnants, le tout sur un très léger bruit de fond. Celui de Togenkyo, à la fois éloignée et proche, sachant se faire oublier, mais toujours présente. Elinn…. Elle se repassait ce nom en tête, à la recherche d’une quelconque connexion, mais elle devait bien se rendre a l’évidence que c’étais la première fois qu’elle l’entendait…. Tout au plus parvenait elle à plus ou moins ancrer ce mot dans son esprit, sans forcément y apposer une quelconque image pour l’aider à se souvenir ce à quoi il correspond.

Ramenée dans la réalité par son interlocutrice, Tesa gardait encore un peu les yeux dans le vague, tel une personne ayant du mal à s’extirper de ses rêves au moment du réveil. Finalement, satisfaite du contact doux de ses poils entre ses mains, elle laissa sa queue retourner à son mouvement de balancier, reportant un peu plus d’attention à ce qu’il l’entourait, et a l’étui en lui-même, pour le moment. Les différentes marques, traces de coup, volontaire ou non, et autres qu’il présentait allait en concordance de ce que sa maîtresse venait d’annoncer à son sujet.

Pourquoi l’avoir déplacé ?.... c’est vrai qu’au final, elle aurait tout aussi bien pu la laisser à sa place. Peut être simplement l’envie de ne rien laisser trainer par ici, ce qui avait été sa motivation première, et unique, de quitter son doux perchoir. La seconde partie de la phrase éveilla un peu plus d’intérêt en elle.

-C’est vrai que, vu son état, à part quelqu’un de Très mauvais goût, je vois mal qui en voudrais. Je suis pas sure que l’on puisse en faire grand-chose.

Une petite accentuation qui laissait transparaitre un aspect provocateur que sa voix semblait avoir oublié on ne sait où, mais ne semblait pas pressé de le retrouver. Un mouvement un peu plus frénétique de sa queue, abandonnant la régularité du pendulier pour un mouvement un peu plus irrégulier. Oui, elle s’amusait… en tout cas, bien plus que si elle devait se remettre au travail. Mais au-delà de ça, elle était avant tout intriguée par la dissonance entre l’attention qu’elle semblait porter à cet instrument, et le ton désinvolte avec lequel elle en parlait. Lui était-il important et elle ne voulait pas le montrer ? S’en moquait-elle tout simplement, le voyant comme un simple outil de travail ? De quel travail est ce qu’il pourrait bien être question d’ailleurs, si c’était le cas. Plaçant ces pensées de coté dans son esprit pour le moment, reportant pour la première fois son regard sur son interlocutrice depuis tout a l’heure. L’instrument était de retour à sa place d’origine, et Elinn, installée un peu plus confortablement, lui portait toujours le même regard, inchangé.

-Et quel genre de travail requiert un tel outil, Elinn ?

Décidément, elle avait du mal à calmer sa curiosité, se surprenant presque elle-même en posant cette question, remuant un instant ses oreilles pour chercher qui l’avais posé avant de comprendre qu’elle lui avais littéralement sauté d’entre ses lèvres de la façon la plus naturelle possible, lui imposant un petit temps d’arrêt. Le besoin de s’occuper les mains se fit, du coup, très pressant, survenant soudainement. Détournant son attention de son interlocutrice le temps de sortit d’une poche de son gilet un petit sac opaque, en sortant une tranche de viande séchée, entamant de la mastiquer négligemment alors qu’elle reposait son regard sur Elinn, un petit sourire bien visible sur son visage alors qu’elle rangeait le sac a sa place initiale.

Jeux puérils contre attirance charnelle;
un choix évident; une réponse contraire.

Un léger frisson remonta le long de sa colonne vertébrale tandis qu'elle peinait à retenir un sourire qui finalement parvint à calquer une faible esquisse de lui-même sur ses lèvres. Il faut dire que les mots, les sons qui avaient atteint son ouïe étaient pour lui redonner du baume au coeur, après la petite baisse de régime qu'avait subi leur conversation. Puisque les mots de Tesa étaient là vif, si ce n'est dans leur ton, au moins dans leur sens. Et de là ils lui donnaient une très bonne excuse de contrarier encore un peu plus son monde, et concrètement ici l'auteur de ces phrases-prétextes.
Oui, Elinn était heureuse.

Cependant, une part de ce répondant la chagrinait un peu... Et elle n'approuvait pas vraiment cette réaction. Après tout, elle le savait, que sa vieille guitare avait quelque peu à envier la beauté virginale de ses sœurs à l'heure un peu plus neuf. Mais, à l'instar de ces vieux couples qui se trouvent tous les défauts du mondes sans pour autant pouvoir se séparer l'un de l'autre, elle avait du mal à se défaire de cette compagne de toujours. Et autant la désinvolture qu'elle avait à se servir d'elle pour des objectifs si bas que maintenir une conversation sur le ton de l'affrontement, que cet attachement anormal envers un simple objet, un vulgaire outil, la révulsaient.

Bien sûr, tout cet enchevêtrement d'impressions et de sentiments contradictoires n'avait aucun débouché sur l'extérieur, et seule sa satisfaction laissait quelques imperceptibles traces sur son expression. Et dans sa voix, un peu trop enjouée de pouvoir de nouveau verser dans le cynisme:

-On en fait des merveilles, malgré le mauvais goût apparent de son propriétaire.

Bon, d'accord. Sur le fond, elle n'avait rien de spécial, cette phrase. patience.

-Et le genre de travail qu'on peut faire avec? Bah genre... Des tas de trucs. Amuser les gosses, glander sans avoir l'air d'un flemmard, se la péter dans un bar, faire passer ton ivresse, ou bien la sobriété, au choix, draguer un gars que tu veux baiser cette nuit... Ce que tu veux.

Une question indirecte pour tâcher de savoir ce qu'elle faisait dans la vie. Une question à laquelle Elinn ne donnait jamais de réponse. Comme ça, par caprice. Ca l'amusait, de toujours répondre à côté de la plaque là où on attendait certaines réponses plus ou moins précises. Non, elle ne tenait pas à sa vie privée, du moment qu'on ne prévoyait pas de l'envahir. Non, elle n'avait pas honte de révéler certaines choses, en particulier son (ses) boulots, mis à part celui d'Ombre, puisqu'ici son mot d'ordre était discrétion. Quoique encore, elle mette un certain point d'honneur à ne pas tout dire à tout le monde sur ce terrain-là, juste aux personnes à qui ce serait utile. Et puis, c'était toujours bon de voir les têtes des gens lorsqu'ils découvraient ses différents emplois, pour le moins inhabituels, ou inattendus de sa part. Là non plus, elle ne le dirait pas. Et puis, c'était l'occasion de glisser une petite réplique stupide... Allez, une dernière pour la route?

-Et toi donc, puisqu'on part là-dessus, que fais-tu dans la vie, à part déplacer les guitares et interroger les faux SDF? Ce parc occupe-t-il vraiment toute ta journée, à moins que tes pauses ne soient plus longues que ton travail...?

Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi elle avait glissé ça, juste après. La question, encore. Mais... Non, bon, mieux valait ne pas trop se tracasser pour une conversation qui de toute façon ne la mènerait nulle part si ce n'est à une distraction purement gratuite alors qu'il en existait des milliers d'autres, sûrement. De toute façon, Elinn avait toujours le chic pour agir sur l'envie ou l'impulsion du moment, et réfléchir après coup. Enfin, réfléchir, et aussitôt s'arrêter puisque remuer le passer, même le plus proche, n'avait aucun intérêt puisqu'on avait aucune prise sur lui.

Confortée donc dans son élan, elle cala son visage contre sa guitare, qu'elle enlaçait par derrière avec autant de tendresse qu'un amoureux passionné posant les mains sur sa belle. Oui... Pour ce qui était du contact physique, elle ne lésinait pas sur les moyens. S'il n'y avait pas eu la housse, elle ne se serait d'ailleurs pas privée de la caresser sensuellement, savourant le toucher glissant de ses courbes vernies, celui, rugueux, des cordes. Quoiqu'elle songeait, malgré la présence de son interlocutrice canidée, à entreprendre de la déshabiller. Cependant elle ne la mettrait pas à nue devant elle, sous aucune condition. Parce qu'elle ne voulait pas. Parce que ce n'était pas dans cette direction qu'elle voulait se diriger. Parce qu'elle attendrait la réaction, voire la réponse, qu'elle ne tarderait pas à voir venir, là, et elle aviserait ensuite.

Pour le moment, seuls gestes perceptibles qui brisaient son immobilité, presque agaçante tant elle était poussée: le sourire un peu plus franc qui se dessina sur un coin de ses lèvres, et la flamme vivace de contentement, et d'amusement, qui dansait frénétiquement dans ses yeux.

Finissant tranquillement son morceau de viande tout en écoutant avec plus ou moins d'attention son interlocutrice, gardant son regard sur elle, Tesa analysait rapidement la réponse qu'on lui avait fournit... ou plutôt, la non-réponse. Peut être un peu de vrai dans le tout, probablement beaucoup d'ironie, une vraie envie de ne pas donner de réponse. Une seule certitude, c'est qu'il serait plus que inutile de revenir sur ce sujet.... quoi que. Une nouvelle réplique, un nouveau pic lancer en direction de la louve, qui eu au moins pour effet de re-concentrer toute son attention sur la conversation et le chat d'égout face a elle, occupée à câliner son instrument. Toutes deux semblaient prendre un certain plaisir dans cette conversation, cette situation, au final.

- C'est vrai que ce travail offre plus de pauses et de promenades qu'autre chose... et je ne vois pas pourquoi je m'en priverais...

Un sourire bien visible sur ses lèvres et un mouvement amusé de sa queue comme signe visible d’amusement. Elle resterait bien ici encore un long moment ici, tant que la situation continuait sur le même ton. De toute façon, ce n’est pas comme si elle avait une quelconque obligation qui la pousserait à partir, alors autant en profiter le plus longtemps possible.

- Du coup, venir déranger ceux qui s'invitent sur mon territoire, j'en ai parfaitement le temps.

Oui, son territoire, le mot était plutôt juste. Au final, elle était un peu chez elle ici, cette zone encore plus en tant que son 'nid', son coin de repos qu'elle défendrait farouchement si il le fallait contre ses éventuel agresseurs. Mais pour le moment, la tendance était plus à la distraction, bien loin de lui déplaire, avançant dans ce sens.

- Mais quand même... pour ce qui est de te voir t'en servir pour draguer entre autres, je veux bien. Mais j’ai beaucoup plus de mal a t’imaginer avec des enfants... encore moins pour les amuser.

Un peu de provocation gratuite, parfaitement dans le sujet de la conversation... pas vraiment un sujet, juste un ton entre les deux, qui lui plaisait par sa douce sonorité, et ni l’une ni l’autre semblait avoir envie d’y mettre un terme pour le moment.

- A vrai dire, je ne serais pas forcément surprise de trouver autre chose qu’un instrument dans cet étui.

Une petite pointe de curiosité malgré tout, envers cet objet qui semblait avoir réussi à s’attirer… et a supporter… l’affection de ce bien étrange chat. L’idée de questionner plus avant sur ce sujet ne lui traversa cependant l’esprit qu’un faible instant, et elle s’assura de garder cette pensée sous contrôle. Elle l’utilisera peut être plus tard, présentant une bien agréable réponse à cette question qui pourras animer un peu plus la conversation, inutile de sortir toute ses cartes d’un seul coup.

Se calant un peu plus confortablement contre son arbre, elle entreprit d’attendre calmement une réponse qui ne se ferrais probablement guère attendre, un sourire assez franc sur ses lèvres qu’elle cherchait nullement a dissimuler.

Tâchons d'être le plus étrange possible;
Il parait qu'on a beaucoup à y gagner...

Où était-elle, déjà? Que faisait-elle?
A trop laisser courir ses pensées sur les cordes d'une guitare encore forcée au mutisme, là, dans sa housse, elle avait perdu le fil. Bah, tant pis. Ca devait être une partie de la conversation suffisamment inintéressante pour qu'elle puisse se permettre de décrocher.
Ah, inintéressante, oui, mais d'après son propre jugement. Lui dirait-on qu'on allait brûler sa maison qu'elle serait capable de le zapper, selon la situation.

Et là, la situation, c'est qu'elle commençait à être tiraillée par autre chose que l'envie et la curiosité de poursuivre cette rencontre. Seulement, elle ne pouvait pas non plus se résoudre à partir. A lever ses fesses de sur ce banc, étirer un peu ses membres ankylosés et aller faire une vaine tentative de finir sa nuit dans un vrai lit; dans son lit.

Cette pensée la sauva: même son lit ne saurait rien faire pour elle, qui avait préféré gâcher ses précieuses heures de sommeil dehors, et qui maintenant passait les fastidieuses heures du réveil en compagnie d'un cas qui mériterait plus que ça, de son avis. Oh, ce qu'elle aimerait encore s'amuser avec... Mais la lassitude, son humeur de prédilection, s'instillait déjà dans son esprit, entre les différents projets qu'elle ne voulait plus mettre en oeuvre pour terminer cette rencontre sur un point d'honneur. Ou bien, pour ne pas la terminer, la prolonger jusqu'à ce que le temps leur manque, ce qui, de son côté, n'arriverait pas, puisqu'elle faisait ce qu'elle voulait de ses journées, en dépit de toute obligation ou de tout engagement qu'elle avait pu prendre. Ce genre de contraintes ne la servaient que lorsqu'elle cherchait à esquiver une autre tâche; sinon elle ne les respectait que lorsque rien ne l'en empêchait.
Cela dit, ceci est un autre débat, puisqu'elle ne se souvenait pas avoir la moindre activité de prévue aujourd'hui.

Mais voila, elle restait coincée entre le désir de se laisser porter par sa feignantise, et celui de poursuivre ce qu'elle faisait. Bien sûr, pendant qu'elle observait les deux options se livrer un duel sans merci dans sa tête, en simple spectatrice d'une réflexion menée par on ne sait trop quoi, mais sûrement pas par elle-même, elle imaginait qu'un grand silence peuplait le face-à-face avec la louve. Ne fit rien de spécial pour y remédier, mis à part continuer de superviser passivement son débat intérieur. Dans le même temps une de ses mains, peut-être en réponse inconsciente à l'une des répliques qui avaient précédé ce vide, jouait distraitement avec la fermeture fatiguée de la housse, jusqu'à l'ouvrir d'une lenteur qui faisait ressortir la sensualité -complètement hors de propos- du geste. Une seconde plus tard, elle était à l'intérieur, retrouvant avec délice le toucher rugueux des cordes.

Le manège dura un moment. Un moment durant lequel elle s'était complètement déconnectée de l'extérieur. L'extérieur, qui n'incluait pas sa guitare, profitant des douces caresses que lui prodiguaient sa musicienne sous son vêtement ensanglanté. Caresses dont elle parcourait le haut du manche, seule partie facilement accessible à sa main baladeuse, tout en demeurant d'une parfaite neutralité. Quoique son air reflétait quand même une part de lassitude, superposée d'une expression absente, qui semblait indiqué qu'elle s'était finalement plongée dans une mystérieuse méditation.

Cet air ne quitta d'ailleurs pas son visage lorsqu'une idée jaillit des tergiversions de ses pensées. Une idée dont elle se retint de sourire. Une idée qu'elle prépara un peu, avant de l'appliquer. Une idée inattendue, dont elle ne prévoyait pas les effets; son but était atteint, sa curiosité touchée en plein coeur.

-Bon...

Si son interlocutrice n'avait été louve, elle n'aurait pas douté que son murmure serait resté muet à ses oreilles. Mais là, elle ne savait pas. Tant pis. Elle ne s'arrêta sur la question que le temps de se lever, le plus vivement qu'elle put, c'est-à-dire assez mollement quand même. Referma d'un seul geste la housse avant de la faire passer par-dessus le banc et lui laisser retrouve sa place, sur son épaule.

Sans un regard à sa compagne, Elinn fit volte-face et marcha vers la sortie du parc, le plus tranquillement du monde.

[Retard, quand tu nous tiens... ]

Lentement, une expression d’agacement remplaçait le net sourire qui illuminait le visage de Tesa quelques instant auparavant, réaction à un silence qui s’installait, à une réponse qui ne venait pas malgré ses attentes. Face a elle, Elinn, pratiquement immobile, ne donnait plus comme signe de vie que le lent rythme de sa respiration et l’étreinte qu’elle offrait a son instrument, délicatement, comme savourant le moindre geste, le moindre contact. Elle sa racla un coup la gorge dans une tentative de rappeler sa présence, mais sans aucuns résultats.

Finalement, elle s’avança d’un pas pour se rapprocher d’Elinn, se penchant en avant pour avoir le visage a la hauteur du sien, et l’observer de plus près, de très près, fluctuant entre agacement et curiosité face a cette situation. Elle resta quelques secondes ainsi, à la regarder directement dans les yeux, séparées que de quelques centimètres, mais tout ce qu’elle y gagna fut une vision un peu brouillée par la proximité, et la certitude qu’elle était bel et bien la seule des deux a être réellement « consciente » pour le moment, et cette constatation lui arracha un long et profond soupire, ne cherchant nullement a le dissimuler, certaine qu’on ne lui en ferais aucunes remarques.

Regagnant une vue d’ensemble sur son interlocutrice… ou plutôt sur la statue qu’elle s’amusait à dévisager, elle put remarquer que la house de l’instrument étant légèrement ouverte, et qu’une main s’y était glissé dans ce qui semblait être une caresse des plus sensuelles. Quand à savoir si cette house abritait bien un instrument de musique, ou un tout autre type d’instrument, elle commençait à avoir de sérieux doutes, renforcés par cet étui qui semblait avoir été ramassé on ne sait où, et cela n’aidait en rien sa curiosité. Finalement, au bout d’un moment a l’observer, toujours silencieuse, elle commençait a s’en lasser, comme une enfant face à une poupée brisée.

La louve fit lentement le tour du banc pour plonger son regard dans le point d’eau en contrebas. Le temps avais filé plus vite qu’elle ne le pensait, et le soleil avait déjà abandonné la frêle ouverture sylvestre. Il faudrait attendre le lendemain pour pouvoir profiter pleinement de ce lieu qui venait de perdre une grande partie de sa saveur, et c’était bien loin de lui plaire. Maintenant qu’elle y faisait attention, elle pouvait clairement sentir l’humidité qui se montrait plus insistante que les autres jours, et le voile gris recouvrant, au loin, une partie du bleu habituel, semblait vouloir lui donner raison. Demain serais une mauvaise journée, et de nouveau, elle ne put retenir un long soupir.

Elle fut cependant sortit de ses pensées par un bruit derrière elle, et déjà ses oreilles portaient toute leur attention dans cette direction, alors qu’elle se surprenait à espérer un retour de conversation. Après l’agacement et la curiosité, c’est une toute autre émotion qui l’habitait, entre lassitude et tristesse, et elle aurait donné cher pour se changer les idées, se divertir de quelques façon que ce soit. Espoir déçut, elle était persuadée d’avoir entendu Elinn parler… ou au moins émettre un son, même faiblement. Elle resta quelques instant a l’écoute du moindre bruit, mais tout ce qu’y parvint a ses oreilles fut celui de quelqu’un qui se relève, le bruit sourd, bien que faible, d’une charge remise sur le dos, puis des pas feutrés qui s’éloignaient lentement.

Elle se retourna de moitié, pour faire face au bruit étouffé des pas, pour confirmer ce qu’elle avait entendu, et ne savait plus trop que faire ni penser de cette rencontre. Elle tourna la tête pour replonger son regard un peu plus bas, pour laisser le champ libre à ses pensées, et à une question qui ne lui plaisait guère : que faire maintenant ? La perspective de reprendre le travail ne parvint qu’à la faire soupirer de nouveau, exprimant toute sa motivation, ou plutôt son manque, à cette possibilité. Une autre aurait été de simplement rentrer chez elle, manger, puis…. Probablement se morfondre un long moment sur son lit en cherchant de quoi s’occuper pour oublier le jour a venir. Une troisième possibilité qui s’offrait à elle aurait été de suivre Elinn dans un faible espoir de trouver une occupation valable.

Elle pencha de nouveau la tête dans la direction où cette dernière s’en était allé, déjà perdue entre les arbres et reliefs. D’un geste las, fatiguée, elle sortie une nouvelle tranche de viande séchée, l’amenant à ses lèvres pour entamer un lent grignotage pendant qu’elle reniflait discrètement l’air pour s’assurer de la direction, avant de se mettre en route, sans vraiment se presser. Vu le rythme de ses pas, et la proximité d’une faible odeur de métro, elle ne devait pas être loin, et elle n’aurait pas à forcer le pas pour la rejoindre. Un petit compromis entre les deux possibilités les plus attrayantes qui s’offraient à elle, espérant ne pas y trouver une nouvelle déception.

c'est fou comme une journée de boulot plus que répétitif peut être favorable aux rêveries et autres inspirations

Nouvelle étape, nouveau lieu: [ Comme chat et loup, suite ]

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Comme chat et loup...

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