A la rentrée, on achète des nouveaux livres!!

Un petit début de rp, histoire d'inaugurer un forum trop longtemps inactif~ Alors, qui se jette à l'eau avec moi? ♥

-Aaah mon enfant, c'est beau de vouloir s'instruire, mais les clients attendent en haut...

Elinn leva les yeux du livre où elle s'était plongé, juste assez pour pouvoir fixer son employeuse par-dessus ses lunettes, d'un air qui suggérait qu'elle n'avait rien entendu à la remarque, accaparée par sa lecture. En réalité, elle n'avait rien manqué des mots lâchés par la voix calme et lente de la vieille femme. Celle-ci le savait d'ailleurs, et rendait à la jeune fille un regard serein mêlé de fermeté: elle n'avait pas l'intention de bouger tant qu'elle n'aurait pas eu de réaction favorable.
Une petite bonne dame très facile à vivre, cette propriétaire de librairie, sauf pour les flemmards du genre de sa seule employée. Laquelle dut d'ailleurs se rendre à l'évidence: ce n'était pas aujourd'hui qu'elle la vaincrait sur le plan de la patience, bien qu'un duel entre elles serait des plus indécis de l'histoire du combat silencieux. Après un coup d'oeil déchiré à l'ouvrage, désormais fermé, qu'elle venait de poser sur le comptoir de caisse, elle se leva avec une lenteur calculée et un soupir presque inaudible, qui fut cependant entendu. Qui oserait dire que les personnes âgées étaient toutes sourdes? Mais son faible coup d'humeur n'eut pour effet que d'élargir le sourire amusé de la vieille.

-Ne t'en fais pas, je garderai ta place à la caisse bien au chaud pendant que tu travailleras un peu. Ca serait le comble que je te paie pour que tu lises tous mes livres sans rien faire, hein?

Sur ces bonnes paroles elle se mit à pouffer tout en s'écartant pour libérer l'entrée du minuscule escalier en colimaçon qui montait à l'étage de la boutique. Sachant pertinemment que si elle s'obstinait à ne pas bouger, elle devrait subir l'humour "spécial incapables" -comme sa créatrice l'appelait- de son interlocutrice, et que celui-ci était de plus en plus affligeant au fil des blagues, Elinn se décida quand même à risquer un pied sur la première marche. Quelques secondes plus tard, elle s'élevait en faisant couiner le moins possible les bois fatigué sous ses pas.
Elle n'avait pas dit un mot de tout l'échange, à plus forte raison de toute la matinée, et cela lui allait autant que ça ne semblait déranger personne, et se sentait presque mal de devoir briser son mutisme maintenant.

Un peu moins de deux ans qu'elle passait trois jours par semaines à cette petite boutique défraîchie, chemise boutonnée et lunettes sur le nez. Tous ces mois passés sans même repenser à ce qui avait bien plus lui traverser l'esprit pour qu'elle accepte un pareil travail. Et tant mieux d'ailleurs, puisqu'avec l'expérience elle estimait avoir trouvé le meilleur boulot qui puisse être: une patronne et des horaires flexibles, des livres, de la tranquillité quasiment toute la journée. Il est vrai qu'entre ça et son groupe, avec lesquelles elle montait occasionnellement sur les scènes qui voudraient bien d'eux, elle avait parfois l'impression de faire le grand écart, mais cela la maintenait justement en équilibre. Ces histoires de "juste milieu", c'était du charabia pour elle.

Enfin, ce n'était pas pour autant qu'elle sauterait de joie à l'idée d'aller servir ses clients. Sans doute un échantillon de ces étudiantes glousseuses, ou de leurs reflets masculins aux regards avides, étant donné qu'on ne voyait plus que ça, même ici, à courir après les manuels et autres fournitures. Après des choses dont Elinn, elle, n'avait plus rien à faire: les cours, leurs amis, un futur. Les cours, il y a longtemps qu'elle les a semés derrière elle, et son futur était déjà son présent, brouillard constitué de monotonie et de hasard, autrement dit de beaucoup aléas et d'imprévus par lesquels elle se laissait guider. Les amis, cela restait une notion plus compliquée pour elle, trop abstraite pour qu'elle veuille perdre son temps à la distiller en pensées, du moins pas maintenant. L'escalier n'était pas très long à gravir, même lorsqu'on s'applique à le rendre muet, ce qui est chose quasi impossible tant il prend un malin plaisir à gâcher tout effet de discrétion par ses vives protestations à chaque pas. Mais, quelque part en elle, la flemmarde surprenait une espérance fugitive qui lui soufflait que peut-être trouverait-elle là-haut de quoi se repaître un peu l'esprit en terme de conversation. Car il en fallait vraiment peu pour qu'elle quitte son attitude de solitaire endurcie doublée d'un rat de bibliothèque. Seulement les rares à s'aventurer jusqu'à elle en étant digne de lui arracher plus que de vagues répliques ne lui convenaient jamais sous tous les angles, pourtant Dieu sait qu'elle savait se montrer clémente, quand elle en avait l'occasion et l'envie...

Alors, qu'allait-elle trouver en haut des escaliers?